22.9.10

UN CRI

Cri de honte ?
Cri de désespoir ?
Cri de douleur ?
Un CRI, celui de femmes et d’hommes atterrés par l’opiniâtreté de certains à détruire le fragile équilibre démocratique sur lequel repose notre société...


Notre secteur à la marge du socioculturel et de l’artistique est aujourd’hui des plus sérieusement fragilisé, menacé ; pourtant, notre rôle, nos compétences, nous amènent aussi bien à ouvrir le regard que d’accompagner jeunes ou moins jeunes dans cette recherche d’une identité culturelle et sociale.
Or nous assistons à la mise en pièces des organismes supports de l’Etat tels : les Ministères de la Jeunesse et des Sports, de la Culture et de l’Education Nationale, qui depuis plusieurs années par un désengagement progressif et continuel laissent le financement de nos actions à la charge des villes, des départements, des régions jusqu'à l’arrivée de cette réforme des collectivités territoriales qui met en péril de façon déterminante leurs aides “laissant le champ de l’art et de la culture aux seules lois du marché” comme le fait remarquer la ‘’Protestation d’Avignon ‘’(1).
Devant les craintes ainsi suscitées, certaines collectivités semblent déjà choisir une alternative pour le moins problématique.
Pourtant les principes d’Education Populaire qui animent nos associations sont porteurs d’Universalisme et de laïcité ; le droit aux cultures que nous animons tient compte de la nécessité de l’individu à construire son identité propre par la mise en œuvre d’une véritable éthique de l’altérité.
Notre travail permanent sur le terrain ne se fait pas dans une option “culturaliste” mais dans le cadre Républicain d’un Etat qui doit garantir un socle égalitariste, garant de droits et de devoirs : c’est le principe de notre citoyenneté.
Comme le rappelle Dominique Schnapper (2), ce qui fait l’identité nationale “n’est pas un fait biologique, mais politique”.

Prenons un exemple pour illustrer notre propos : celui du projet baptisé “Ciné lycée” annoncé par le ministre Luc Chatel et consistant en une plateforme VOD de 212 films mis à disposition des enseignants et dont 20 seulement seront accessibles tous les mois… Cette disposition fait fi de tous les dispositifs existants et construits laborieusement et en concertation depuis 20 ans.
Comme le souligne Jean-Michel Frodon dans son article La poudre aux yeux de ‘’Ciné lycée’’ et que nous avons plaisir à citer ici :
“ tâche immense assumée sous l’égide des structures dont les principales s’appellent Ecole et cinéma, Collège au cinéma, Lycéens et Apprentis au cinéma, elle ne concerne pas le seul goût de voir des films, mais la construction d’imaginaires et de mentalités plus ouverts et plus complexes. L’accomplissement de cette tache suppose des choix, des défis et un énorme travail pédagogique, travail qui se situe aux limites de la pratique habituelle dans les établissements scolaires …”
Ciné lycée : “ Formule squelette… qui risque de ramener le cinéma, aux yeux des jeunes à un simple divertissement , à un art de second ordre, goulûment absorbé, vite oublié, alors qu’il doit être, à nos yeux, comme tous les autres arts, une source toujours neuve de bonheur" écrit Janine Bertrand (Fédération de ciné-clubs Inter Film) ou encore ce propos de JM Frodon “... sous ses airs cool et high-tech, Ciné lycée programme en réalité la destruction à court terme de la fragile et féconde construction existante.”

Ainsi se trouve remis en cause sur simple volonté gouvernementale sans réflexion ni concertation, le formidable travail d’ouverture des établissements scolaires en lien avec le secteur associatif, artistique et culturel. C’est un acte politique qui met en cause la polyvalence qui amenait la confrontation de points de vue éthique, artistique, sociologique, différents sur un rapport au VOIR que nous considérons en lui-même créateur, puisque porteur d’interrogations et d’imaginaires. Cet ensemble repose sur la découverte par le cinéma d’univers, de récits, de cultures donnant sens au Savoir et à l’Histoire.
Le Film est également facteur de lien social et contribue à l’émancipation collective au sein de l’Education Nationale, lieu qui se doit égalitaire et qui nécessite un fort accompagnement en contradiction avec les “mirages de la consommation“ et le mercantilisme...

CRI... oui mais aucunement abandon. Comptez sur nous pour défendre avec opiniâtreté ce beau travail de “passeur” qui est le nôtre selon l’expression de Roger Diamantis. (...)


Jean-Jacques Mitterrand
Co-Président de l'Union Française du Film pour l'Enfance et la Jeunesse




(1) Protestation d’Avignon, juillet 2010 à l’appel de la CGT du Spectacle, de la CFE-CGC, du Syndicat National des Scènes Publiques, du Syndicat National des Entreprises Artistiques et Culturelles, de l’Union Fédérale d’Intervention des Structures Culturelles.

(2) Dominique Schnapper, La France de l’intégration, Paris, Gallimard, 1991.

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