Le BLAC, Collectif National de l'Action Culturelle cinématographique et audiovisuelle, fédère l'ensemble des organisations qui travaillent à la rencontre entre les films et les publics, dans et hors le contexte scolaire.
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Paris le 5 juillet 2010
Monsieur Luc Chatel
Ministre de l’Education nationale
110, rue de Grenelle
75357 Paris 07 SP
Monsieur le Ministre,
Dans un courrier en date du 9 mars 2010, nous vous faisions part d’un certain nombre d’interrogations concernant la mise en place annoncée d’un projet de VOD en lycée.
Depuis, nous avons eu l’occasion de découvrir plus précisément le projet Ciné Lycée, à travers la présentation que vous en avez fait le 18 mai avec le Ministre de la Culture et de la Communication, puis à l’occasion des deux rendez-vous que votre cabinet a bien voulu nous accorder à ce sujet.
Pour autant, les réponses ou pistes de réflexion quant à la qualification du dispositif qui nous ont été présentées sont loin de répondre aux attentes légitimes qui sont les nôtres.
Nous ne pouvons que regretter le manque de complémentarité entre Ciné Lycée et les dispositifs existants : l’absence totale de concertation et d’articulation qui prévaut dans la mise en place de cette nouvelle proposition au public lycéen est non seulement préjudiciable aux dispositifs déjà en place, mais également au projet lui-même !
Ainsi, sur les territoires, en matière d’éducation à l’image et pour un même public, en plus des enseignements obligatoires et facultatifs de « Lycéens et apprentis au cinéma » et des offres pédagogiques portées par les Conseils régionaux localement, seront mis en place, dans la quasi-totalité des regions à la rentrée scolaire 2010, le nouveau dispositif Ciné lycée et les enseignements d’exploration.
Or, au niveau national comme à l’échelle régionale, nous sommes au regret de constater qu’il n’y a eu aucune plateforme commune de réflexion et de concertation entre le ministère de l’Education nationale, le ministère de la Culture et de la communication, les collectivités territoriales, les professionnels, tant institutionnels (CNC, France Télévisions, SCÉRÈN-CNDP…), que représentants des acteurs locaux (Pôles régionaux d’éducation artistique et de formation au cinéma et à l’audiovisuel, salles de cinéma, distributeurs, réalisateurs…) pourtant très directement concernés .
À l’heure où une mission ministérielle a été confiée à Monsieur Jérôme Bouët en vue de « franchir une nouvelle étape dans le partenariat culturel de l’Etat avec les collectivités territoriales » et de prêter une « attention renforcée à l’ensemble de nos territoires dans toute leur diversité », nous nous interrogeons sur ce contre-exemple que représente le processus de mise en place de Ciné Lycée.
Il aurait été essentiel de valoriser et de consolider l’existant en bonne intelligence avec cette nouvelle initiative dont l’annonce précipitée en mai, a nourri confusion et inquietudes quant à l’avenir du dispositive Lycéens et apprentis au cinema. Comment justifier la fragilisation de dispositifs solides tels que « Lycéens et apprentis au cinéma » qui concerne plus de 260 000 élèves et plus de 9700 enseignants en partenariat avec près de 760 salles de cinéma sur l’ensemble du territoire. Et au passage comment comprendre que dans sa conception Ciné Lycée laisse sur la touche les élèves des lycées agricoles et les apprentis !
En l’état, le projet de plateforme Ciné Lycée qui présuppose que l’offre suffit à induire le désir et la démarche pédagogique nous laisse particulièrement perplexes.
Si des dispositifs comme « Lycéens et apprentis au cinéma » ont pu faire la preuve de leur efficacité tant qualitativement que quantitativement, c’est bien parce qu’ils relèvent d’une réelle démarche d’accompagnement pédagogique : formation des enseignants sur les films proposés et sur le cinéma en général, remise aux élèves et aux professeurs de documents conçus spécifiquement pour les projets, accompagnement des élèves vers des cinématographies vers lesquelles ils ne se dirigeraient pas naturellement…
Notre expérience d’acteurs de l’éducation à l’image depuis de nombreuses années sur l’ensemble du territoire national nous amène à constater qu’il est peu réaliste de considérer que la majorité des élèves voteront spontanément pour les films de Tarkovski, Eisenstein ou Bergman ou se rendront à ces projections si toutefois ces films étaient retenus dans la liste des films proposés dans le cadre de Ciné Lycée .
Ce projet interroge par ailleurs plus globalement le lien avec le tissu local des salles. En effet, à l’heure où la petite et moyenne exploitation sont malmenées par une accélération de la concentration de ce secteur et affrontent une révolution technologique qui risque de laisser bon nombre d’établissements cinématographiques sur le bord du chemin, à l’heure où nombre d’actions culturelles cinématographiques en région se voient fragilisées par la réforme annoncée des collectivités territoriales, Ciné Lycée est susceptible d’affaiblir de façon considérable l’ensemble de la filière…
Si l’idée en l’occurrence est bien d’inciter les élèves à se déplacer en salle de cinéma, nous nous inquiétons de savoir si cette démarche ne servira pas en priorité la grande exploitation, alors même que les cinémas de proximité sont confrontés à de réelles difficultés économiques et ce malgré le travail de fond qu’ils mènent sur les territoires, notamment en direction des jeunes publics à travers les dispositifs existants. Il apparaît clairement que la mise en place de Ciné Lycée a mésestimé à la fois la fragilisation de Lycéens et apprentis au cinéma qu’elle entrainerait et la fragilisation induite par ricochet des cinemas impliqués dans ce dispositif et qui sont des maillons essentiels de l’aménagement culturel du territoire.
D’autre part, Ciné Lycée doit rendre accessibles à chaque lycéen les « grandes » œuvres du cinéma mondial : encore faut-il s’interroger sur les conditions de diffusion de ces films. Le dispositif est manifestement conçu pour pouvoir être mis en œuvre avec un équipement technologique minimal : 1 vidéoprojecteur et 1 écran. À l’heure où les pratiques d’images des jeunes se resserrent davantage autour de l’écran d’ordinateur (cf. étude d’Olivier Donnat sur les pratiques culturelles des français) et sur des contenus d’une qualité de définition bien souvent extrêmement médiocre, il paraît indispensable que l’Education nationale continue à jouer le rôle pédagogique de qualification des pratiques auprès de ses publics. D’autres points restent à éclaircir : qualité du fichier source, conditions de projection (noir salle, confort des sièges…), définition des écrans, etc. Au regard de l’attention portée par l’Etat sur les questions de qualité technologique minimale requise dans le passage au numérique des salles de cinéma, comment justifier cette différence de traitement des publics lycéens et des spectateurs des salles de cinéma ?
En ce qui concerne la constitution du catalogue ainsi que la mise en avant chaque mois sur la plateforme VOD de certains films d’actualité susceptibles d’offrir un intérêt pédagogique complémentaire à la liste des 212 films initiaux, nous nous interrogeons sur les critères qui présideront à ces choix. France Télévisions, maître d’œuvre du projet Ciné Lycée, est également un financeur important du cinéma français. N’y a-t-il pas là risque de conflit d’intérêt ?
Enfin, il nous semble indispensable de rappeler que la formation et l’accompagnement du public lycéen ne peuvent être négligés.
Nous déplorons l’absence d’outils d’accompagnement autre qu’ Allo Ciné dans le projet tel qu’il est présenté à l’heure actuelle : dans ce contexte, sur quel travail autour des œuvres peut-on compter exactement ?
La proposition sur la plateforme interactive de « récupération » de documents pédagogiques sur les œuvres en question ne suffit pas à ce qu’ils soient lus et compris. L’expérience des dispositifs existants le prouve, c’est bien l’intervention de l’enseignant, du passeur, qui permet la médiation indispensable vers ces contenus. La présence d’un professeur désigné « référent culturel » au sein du lycée ne suffit pas à garantir que les élèves pourront bénéficier de cette médiation, et ce d’autant moins au vu de l’ensemble des missions qui lui sont dévolues au sein de l’établissement. De quelle formation disposera dans les faits ce même référent culturel pour préparer l’intervention en fin de projection et l’animation du débat, alors même que nous constatons en permanence sur les territoires une baisse drastique du nombre de journées inscrites aux Plans Académiques de formation ?
Ces questions ont été relayées auprès de vos collaborateurs sans qu’il y soit apporté de réponse satisfaisante, et ce alors que nous sommes à quelques semaines de la rentrée scolaire 2010.
Aujourd’hui, l’espace de concertation qui nous est proposé est limité à une expertise technique complémentaire : labelliser les documents pédagogiques qui seront proposés sur le site et mettre à disposition ceux que nous aurions réalisés, donner une liste de cinémas faisant partie de notre Collectif pour que leurs horaires de projection soient indiqués sur la plateforme, lister les opérateurs locaux susceptibles de pouvoir aider les chefs d’établissement à organiser la venue de réalisateurs – France Télévisions ne pouvant assurer qu’une infime partie des rencontres annoncées – et, le cas échéant, à trouver les financements nécessaires…
Si nous sommes, vous le savez, de farouches partisans d’une démocratisation culturelle qui touche le public le plus large, il nous semble que le projet Ciné lycée n’offre pas, en l’état, les garanties d’une démarche de « culture pour chacun » respectant les œuvres et leurs ayants-droits, tenant compte des freins naturels d’une grande partie de la population face à la « culture savante » et s’inscrivant dans une réelle démarche pédagogique.
Persuadés que cette action peut s’inscrire de façon constructive dans les projets d’établissements sans que soit laissée au hasard de l’implication de tel ou tel individu la bonne réalisation du projet et son articulation avec les dispositifs déjà existants, nous sollicitons la mise en place d’une véritable plateforme de concertation entre les différents acteurs concernés (Culture, Education nationale, collectivités territoriales, CNC, France Télévisions, cinémas, distributeurs, réalisateurs, acteurs de terrain de l’éducation à l’image…). A cette fin, nous nous tenons bien évidemment à votre disposition et à celle de vos collaborateurs pour parvenir à établir enfin un cahier des charges précis, pertinent, culturel et pédagogique du projet Ciné lycée .
Vous remerciant de l’attention que vous voudrez bien porter à ce courrier, nous vous prions de recevoir, Monsieur le Ministre, nos plus respectueuses salutations.
Pour le Collectif national, le secrétariat
ACAP - Pôle Image Picardie / ACOR - Association des cinémas de l’ouest pour la recherche / ACRIF - Association des cinémas de recherche d’Ile de France/ Agence du court métrage / Carrefour des festivals / Les enfants de cinéma / GNCR - Groupement National des cinémas de Recherche / Interfilms – Fédération des cinéclubs / La Ligue de l’enseignement / Périphérie / SRF - Société des Réalisateurs de Films
Nos contacts
BLAC c/o Agence du court métrage
2, rue de Tocqueville
75017 – PARIS
Messagerie: contact@blac-collectif.org
Tél : 06 10 03 81 01 ou 06 81 92 66 04
Copie à : Monsieur Frédéric Mitterrand, Ministre de la Culture et de la Communication,
Madame Véronique Cayla, Présidente du Centre national du cinéma et de l’image animée
Madame Anne Durupty, Directrice générale Déléguée,
Monsieur Raphaël Müller, Conseiller technique de l’Enseignement artistique et culturel auprès du Ministre de l’Education
Monsieur Hurard Conseiller cinéma et audiovisuel auprès du ministre de la Culture et de la Communication
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